Vous l'ai-je déjà dit?
Je profite de l'occasion pour vous présenter mon mentor. Prenez
connaissance de ce qu'il écrit, même si ce n'était que de savourer son écriture
dans la manière d'amener son argumentation. Un petit bijou.
Il faut dire que je ne suis pas toujours en accord avec ses propos. Dans
ce cas-ci, avec le recul nécessaire, je me laisse par contre de plus en plus
séduire par sa compréhension dans ce dossier. Cela a tout de même le mérite
qu'on s'y attarde.
Ainsi, dans le même ordre d'idée, je lisais dernièrement dans la revue
"Science et avenir" qu'au Ve siècle avant J.C. à Jérusalem, «les
sacrifices par le sang sont pratiqués dans les sanctuaires de chaque ville où
on mange de la viande, c'est à dire partout. Le sang étant sacré comme l'œuvre du Seigneur, il fallait abattre les
bêtes rituellement, une tâche assignée aux Lévites», selon Arnaud
Sérandour du Collège de France.
Il est peut-être temps que l'on quitte nos habits ancestraux devenus
usés et trop petits pour des vêtements à l'image rafraîchie de nos
civilisations évoluées. Çà ne veut pas dire de rejeter nos croyances du revers
de la main et de se croire au dessus de tout. Mais pourrait-on à la lumière de nos
connaissances contemporaines, adapter nos mœurs et coutumes à la hauteur de notre
conscience raisonnée.
François Langlois
________________________________________________________________________François Langlois
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Pierre Foglia
La Presse
La Presse
Ai-je le droit de trouver
complètement ridicule que dans certains abattoirs du Québec, les poulets doivent
être tués la tête tournée vers La Mecque?
Ai-je le droit, comme agnostique,
de m'agacer de pratiques hystériques qui, si elles nous étaient rapportées par
un anthropologue de retour de chez les Pygmées Wayouyous nous feraient sourire?
On dirait: c'est incroyable! En fait, ce qui m'agace, c'est qu'il suffise que le
sceau de la religion soit appliqué sur n'importe quelle niaiserie, et voilà que
tout est cachère, tout est correct, plus le droit d'en rire... Et voilà Richard
Gere qui embrasse les pieds du dalaï-lama chaque fois qu'il le voit, et voilà la
spiritualité qui dégouline dans les buckets
où elle se mélange au sirop d'érable.
On est dans un abattoir au plus creux de la
Beauce et il y a ce type avec un chapeau en forme de moule à gâteau comme ils en
portent dans les casbahs et qui dit aux poulets: La Mecque, c'est par là. Et
couic, le poulet.
Interdiction de rire. Ou si l'on rit, il faut
s'attendre à se faire traiter de raciste et de petit cousin de Marine Le
Pen.
Ai-je le droit de m'étonner de la présence
d'un imam - un curé musulman - dans certains abattoirs d'Olymel pour bénir les
foutus poulets? J'ai milité toute ma vie pour que les écoles soient laïques, je
suis en train de me demander si je ne me suis pas trompé, si je n'aurais pas dû
commencer par militer pour la laïcité des abattoirs.
Suis-je trop moumoume, impressionnable, est-ce
que je donne dans le plus Bambi des anthropomorphismes quand je dis qu'il est
complètement débile d'égorger poulets, veaux, moutons, boeufs en s'assurant
qu'ils sont bien conscients puisque c'est la conscience même de l'animal, au
moment où le couteau lui tranche la gorge, qui fera que sa viande sera vraiment
halal ou cachère?
L'étourdissement des animaux avant leur
abattage est obligatoire dans les abattoirs de l'Union européenne. Peut-on dire
qu'il s'agit là d'une valeur européenne? Voilà qu'un député du PQ, vétérinaire,
se réclame de la même valeur, sauf qu'il a eu la maladresse de la dire
québécoise et toute la province progressiste de s'étouffer aussitôt. Ce
discours-là est si bien piégé, si lourdement «loadé» que le seul fait d'accoler
le mot valeur au mot Québécois fait aussitôt des Québécois en question des
cryptofascistes.
De nombreux pays européens, notamment la
France, contournent l'interdiction européenne par des dérogations, mais pas les
Norvégiens, pas les Suédois, pas les Grecs ni les Suisses, qui interdisent
totalement l'abattage rituel. Est-ce que cela fait des Norvégiens, des Suédois,
des Suisses et Grecs des membres du Parti québécois?
Je sais bien que les animaux de boucherie,
surtout ceux des élevages intensifs et des grands poulaillers, je sais bien que
ces animaux de consommation courante mènent une vie de merde, nourris de merde
souvent transgénique, puis menés dans des conditions souvent épouvantables vers
des abattoirs où ils entrent en hurlant. Mais justement, après cette vie de
merde, est-ce bien nécessaire, juste avant que le couteau leur coupe la
carotide, ou même quand il n'y a pas de couteau, est-ce bien nécessaire de leur
tourner la tête vers la Mecque et de leur dire que Allah est grand?
Cela ne change rien dans notre assiette,
c'est vrai. Cela n'a rien à voir avec le boeuf bourguignon ou les poitrines de
poulet Célestine.
Pour moi, cette histoire d'abattage rituel a
d'abord à voir avec le risible des religions. Je viens d'en parler. Mais
surtout, cela a à voir avec notre rapport aux animaux. Une amie me disait:
écoute, on ne parle pas de tes chats ici, mais d'animaux de boucherie.
Même les animaux de boucherie, chérie. Ce
n'est pas parce que ce veau va finir en escalopes dans mon assiette, ce n'est
pas parce que j'en mangerai peut-être le foie avec des petits oignons que je ne
dois pas le traiter avec humanité, respect et - pourquoi pas? - affection.
Quand je me suis installé à la campagne, il y
a 35 ans de cela, j'avais pour voisine une fermière anglophone qui élevait un
troupeau de herefords, du boeuf-à-viande comme on dit; en fait, surtout des
vaches. Elle leur parlait sans cesse en les soignant: good girl, good girl,
Slurpy. Les nuits de vêlage, elle leur flattait les flancs tandis que la vache
déchirée meuglait à mort, I know, I know, it's gonna be over soon. Était-ce
Daisy qui lui avait donné un coup de tête cette fois-là? Don't you ever do that
again or you'll go in the freezer...
Du boeuf à viande tant que voulez, mais pas à
viande halal. Pour ce qui est des valeurs de ma voisine, je vous assure que ce
n'étaient pas les mêmes que celles du vétérinaire du PQ. Pas du tout.
***
Notre rapport aux animaux, donc. Il en est
pour qui il y a des chats, des chiens et des steaks. Pour d'autres, dont je
suis, il y a aussi des lapins et des porcs-épics. Je vous disais dans une
récente chronique que j'ai découvert un porc-épic dans un érable creux en
bordure de mon bois. Je vais le visiter presque tous les jours, et l'autre jour,
ils étaient deux! J'en fus tout ému. Fin mai, ils auront des bébés.
Je n'en finirais plus d'énumérer tout ce que
j'aime des animaux, mais en fait, c'est assez simple à résumer: j'aime des
animaux à peu près tout ce que j'aime des humains, plus deux choses qui
n'appartiennent qu'aux animaux:
ils n'ont ni dieux ni diables;
ils ne sont jamais ridicules.
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