Tania Longpré
Enseignante de francisation aux adultes
immigrants
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Depuis quelque temps, on fait écho
dans les médias de « l'ambitieux » projet du gouvernement de rendre toutes les
classes de 6e année francophones, d'ici 5 ans, « bilingues » afin que nos jeunes
apprennent l'anglais, Thank God !
Pourtant, les enfants y étudiant présentement y sont
soigneusement sélectionnés: ils ont d'excellentes notes et n'accusent aucun
retard scolaire puisqu'ils sont doués. Qu'est-ce que le gouvernement compte
faire pour les enfants ayant des difficultés d'apprentissage ou encore pour ceux
ne maîtrisant pas assez la langue française ? Que ferons-nous des enfants
immigrants, fréquentant les classes d'accueil, qui ne font présentement pas de
classe de langue seconde puisqu'il est prouvé qu'apprendre deux langues en même
temps donne de moins bons résultats ?
On ne le sait toujours pas.
Allez faire un tour dans les polyvalentes anglophones, tendez
une oreille. Ou même dans une polyvalente francophone de l'ouest de l'île où mes
collègues peinent à entendre la langue française dans les couloirs ! De plus, où
trouverons-nous les profs nécessaires ? Nous pouvons voir, au Canada, que la
popularité des classes d'immersion française donne souvent lieu à des cours
donnés par des enseignants maîtrisant à peine la langue qu'ils enseignent. Je me
souviendrai longtemps d'une enseignante, en Colombie-Britannique, où
j'enseignais, qui avait écrit au tableau «Une petite enfante» en étant
convaincue que le mot «enfant» s'accordait au féminin ! Je lui ai donné quelques
notions de grammaire. Est-ce que la situation sera pareille ici ? On a vu
dernièrement dans les médias qu'on recrutait des profs en Ontario, mais quel
sera leur statut de prof ici ? Qu'arrivera-t-il aux enseignants de 6e années ?
Certains perdront-ils leur poste ?
On ne le sait pas non plus.
Il est étrange qu'on s'inquiète pour les enfants francophones
qui ne maîtrisent pas la langue de l'autre solitude. Mais que nous n'entendons
jamais parler des étudiants anglophones du Québec qui ne maîtrisent pas le
français. Pourquoi les enfants se devraient d'être compétents dans une deuxième
langue, alors qu'ils ont peine à maîtriser la leur ? Il y a ici un calcul
logique à faire : si on ajoute des cours de langue, il faut couper ailleurs. Où
? Quelle matière est présentement moins importante que l'anglais ? Est-ce que
tous les enfants du Québec ont un besoin vital d'une langue seconde, au
détriment d'une bonne maîtrise de l'histoire ou des mathématiques ?
Mystère et boule de gomme !
Je me demande aussi ce qui en sera des commissions
scolaires anglophones du Québec, qui se vantent de former des étudiants
bilingues. Pourtant, plusieurs anglophones du Québec ne sont pas parfaitement
bilingues puisqu'ils n'utilisent pas leur français Use it or
lose it, dit on. Il est surprenant qu'on ne parle jamais des lacunes de ces
gens en français. Eux qui sont nés et ont évolué au Québec, sans jamais
maîtriser la langue commune, ou à peine. Des collègues qui enseignent le
français langue seconde dans des polyvalentes anglophones de Montréal se
surprennent en constatant que plusieurs classes de français langue seconde
soient des classes de français de base, eux qui sont
pourtant nés ici ! Contrairement au mythe véhiculé, les anglophones du Québec ne
sont pas tous bilingues. Le gouvernement libéral s'en inquiète-t-il ? Ne
sont-ils pas autant à plaindre que les francophones ? La langue anglaise se doit
d'être connue de tous, mais pas la langue officielle du Québec ? Les anglophones
sont-ils exclus des préoccupations de bilinguisme ? Y aura-t-il donc, pour
pallier, une classe d'immersion française obligatoire chez les jeunes
anglophones de 6e année, car ce sont eux qui en ont le plus besoin de maîtriser
leur langue seconde, la langue officielle du Québec, le français.
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