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Ce texte est publié pour souligner la force de caractère et la résilience des gens éprouvés par ce drame et l'espoir secret que la vie est la plus forte. Si vous croisez sur votre chemin une jeune fille de quatorze ans qui ressemble à Mélissa faite lui un sourire et partager votre rencontre avec le service de police de votre région. Parce que Cédrika aurait pu être notre fille à tous. 
  
François Langlois (J'ai travaillé avec l'oncle de Cédrika) 
  
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(Trois-Rivières) Mélissa Fortier-Provencher aura 
16 ans mardi prochain. Il y a cinq ans, elle était une petite fille enjouée qui 
ne se doutait pas qu'à l'été de ses 11 ans, son existence allait se figer sans 
avertissement, sans explication, sans rien. Le 31 juillet 2007, son enfance a 
fait un arrêt sur image. Depuis, Mélissa est devenue une adolescente qui avance, 
recule, tombe, se relève, chute à nouveau et se redresse.
Mélissa est la grande soeur de Cédrika Provencher. Elle est de quatorze mois son 
aînée. Enfants, celles que leurs proches surnomment affectueusement «Mélie» et 
«Cédrie» se ressemblaient comme des jumelles. D'ailleurs, il suffit de regarder 
Mélissa pour s'imaginer les traits de Cédrika aujourd'hui. Troublant
Le soir où Mélissa est rentrée à la maison pour apprendre que 
Cédrika n'y était pas comme prévu, Mélissa a sillonné avec sa mère toutes les 
rues de son quartier, a contacté toutes les amies possibles et inimaginables de 
Cédrika et a sans doute espéré la retrouver camouflée, l'air taquin, derrière un 
cabanon. Après tout, sa cadette était une joueuse de tours. Les minutes et les 
heures ont passé. La grande soeur s'est soudainement sentie très petite devant 
le drame qui se déroulait devant ses yeux. Cédrika avait disparu.  
Pendant les premières semaines où son père et sa mère ont tenté 
de maintenir la tête hors de l'eau, Mélissa a été hébergée chez les parents 
d'une copine. Mélie n'était jamais trop loin cependant. Elle voulait participer 
aux recherches. «C'était mon choix», insiste la jeune femme dont le sourire 
cache une tristesse infinie.
Cet été-là, elle a souvent été aperçue au quartier général de 
la famille où les médias et les bénévoles affluaient. Mélissa avait ce regard à 
la fois lucide et incrédule devant cet insoutenable mauvais rêve. La fillette 
pressait souvent contre elle un toutou en peluche reçu en guise de 
cadeau-réconfort. L'adolescente se souvient à quel point il lui était déjà 
impensable de vivre sans Cédrika. C'est encore plus vrai cinq ans plus tard.
«La première année, en regardant la neige tomber, je me suis 
mise à espérer ton retour. Nouée à l'échec, je sais que tu ne reviendras jamais. 
C'est le jamais que j'ai du mal à accepter... Ton absence me pèse. On a beau 
dire que le temps guérit les plaies, ce n'est pas vrai, j'en suis la preuve 
vivante. Sans toi, j'ai l'impression que les journées se ressemblent, toutes 
identiques, toutes pathétiques, toutes inutiles. Je n'ai plus la force ni le 
courage d'avancer. Je n'ai même plus envie. À quoi bon? Tu n'es plus là... Et 
même si je sombre, même si le sourire ne revient pas, je continuerai à t'aimer. 
En regardant la neige tomber, j'ai pleuré... Je t'aimerai toujours petite 
soeur.»
Enfants, Cédrika et 
Mélissa se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Sur la photo, elles ont 
respectivement 5 et 6 ans.
«Écrire à Cédrika me fait du bien», déclare Mélissa lorsqu'on 
fait allusion à ce message rédigé un jour du mois d'octobre 2011. À l'instar des 
adolescentes de son âge, Mélie partage ce qu'elle vit et ce qu'elle ressent sur 
Facebook. Parfois, elle s'adresse directement à Cédrika. Ses confidences sont 
enrichies de photos du duo qu'elle formait avec sa soeur. Mélissa lui écrit 
aussi sur des bouts de papier, comme ceux qu'elle glissait, enfant, sous la 
porte de la chambre de Cédrie. Sauf que cette fois, la correspondance se fait à 
sens unique.
«Je parle à Cédrika dans ma tête, comme si elle était là. Je me 
remémore des souvenirs en lui disant que je ne les oublierai jamais», ajoute 
Mélissa qui ne se lasse pas de raconter des anecdotes du passé. La jeune femme 
confesse en rigolant que, très tard certains soirs ou très tôt à l'aube, elle 
marchait sur la pointe des pieds pour aller se blottir contre sa petite soeur 
endormie dans la pièce d'à côté. Mélie a beau être l'aînée, dans le noir, elle a 
toujours été la moins brave des deux. Le souffle régulier de Cédrika avait le 
don de l'apaiser.
Mélie et Cédrie aimaient les jeux de rôle. Tantôt, elles 
jouaient à la maîtresse d'école, plus tard, elles s'inventaient une famille. 
Cédrika était une «tom boy» qui ne s'en laissait pas imposer facilement. 
D'ailleurs, Mélissa porte fièrement de minuscules marques d'ongles aux poignets. 
Ce sont les empreintes laissées par Cédrika. Apparemment, il y a eu des chicanes 
mémorables entre les frangines. Pour rien au monde, Mélissa veut voir ces 
cicatrices disparaître.
Mélie et Cédrie étaient à la fois les meilleures amies et les 
pires rivales. Elles pouvaient être espiègles à l'heure du dodo et en brouille 
au petit déjeuner. Mélissa donnerait tout pour revivre à nouveau cette 
complicité unique où la tendresse finissait toujours par l'emporter sur les 
hostilités. Le soir du 31 juillet 2007, une partie de son âme s'est volatilisée 
avec Cédrika.
Depuis l'été de ses 11 ans, 
il y a cinq ans
Cinq ans. Cinq longues et interminables années. «Je ne peux 
pas rester renfermée sur moi-même. Il faut que je profite du temps présent parce 
que je ne sais pas quand Cédrika va revenir. Dans ma tête, je sais qu'elle va 
revenir», affirme de sa voix douce Mélissa Fortier-Provencher.
Sans détour, elle avoue que certains jours, l'absence de 
Cédrie lui était insupportable. L'adolescente a dû recourir à de l'aide 
psychologique. «Ça ne fait pas très longtemps que j'ai réalisé que je devais me 
concentrer sur moi, qu'il fallait que j'arrête aussi de m'en faire pour les 
autres. Sinon, c'est moi que je pénalise», fait remarquer Mélissa qui a 
notamment affronté son lot de difficultés scolaires au cours des dernières 
années.
Mélie a dû réapprendre à se faire confiance. Il y a eu des 
périodes où la fillette puis l'adolescente en faisait trop, comme si les «je 
t'aime» lancés à profusion autour d'elle était une garantie contre les amitiés 
qui s'effritent. «On dirait que depuis cet événement-là, j'ai peur de perdre 
quelqu'un de cher à mes yeux», explique Mélissa avec une maturité 
déconcertante.
«On vieillit beaucoup dans les bouts durs», laisse tomber 
Martin Provencher, présent durant l'entrevue où sa fille dit renouer, non sans 
culpabilité, avec le sentiment de joie. «Avant, on aurait dit que dans ma tête, 
je n'avais pas le droit de rire à cause de ce qui se passait. Cédrie, elle, ne 
pouvait pas vivre ce moment de bonheur», justifie Mélissa en jetant un regard à 
son père compréhensif. 
«Il faut accepter que ça fasse mal», rappelle-t-il avant de 
redevenir silencieux.
Pour absorber le choc qui reste enfoui en elle, pour vaincre 
l'ennui qui la ronge tout autant, Mélissa se couche parfois sur le lit de sa 
soeur. Chez leur mère, la chambre de Cédrika est demeurée intacte. «Je l'imagine 
à côté de moi et ça me fait du bien», décrit Mélissa.
Comment elle fait? Cette question, tout le monde finit par la 
lui poser. «Ma réponse est différente à chaque année», précise Mélissa avant 
d'ajouter qu'ici et maintenant, elle se tient en équilibre, comme sur un fil 
d'espoir.
À travers l'école, le va-et-vient entre la résidence de son 
père et celle de sa mère, entre deux sorties avec ses amies et des séances de 
câlins avec son petit frère adoré, Louis-Félix, Mélissa poursuit sa route. 
Elle a fait du hip-hop, s'est initiée à la danse à claquettes, 
a participé à des compétitions de cheerleading, mais par dessus tout, Mélissa 
adore chanter. 
«Ça me libère», dit-elle timidement.
Mélie voudrait Cédrie comme meilleure amie. 
«Il y a des moments où j'aurais vraiment besoin d'elle», avoue 
l'adolescente qui apprécie tous ces encouragements qui lui sont adressés, 
parfois, avec simplement un sourire, un vrai. Quant aux commentaires mesquins et 
culpabilisants qui sont venus parfois jusqu'à ses oreilles, la jeune femme a 
cessé de se demander pourquoi.
Mélissa s'inspire de Cédrika qui ne se laissait jamais marcher 
sur les pieds. 
«Ma force est basée sur ma soeur», soutient la jeune femme qui 
rêve aujourd'hui de se faire tatouer le symbole de l'infini avec la date de 
naissance de Cédrika, le 29 août 1997?