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vendredi 27 septembre 2013

« Avions-nous d’autre choix que celui d’augmenter la taxe scolaire ? »




Par Madame Jeanne-Mance Paul
-        L’auteure est présidente de la Commission scolaire des Chênes


Madame Pauline Marois, Première ministre du Québec,

Les derniers mois ont suscité chez-nous, à la Commission scolaire des Chênes, des sentiments diamétralement opposés.

D’une part, nous avons vécu la joie découlant d’annonces d’investissements majeurs dans notre région. Je pense ici à la construction d’une troisième « nouvelle école » sur notre territoire et à la mise en place d’un programme de mécanique de véhicules lourds en formation professionnelle.

D’autre part,  malheureusement, vos récentes sorties publiques au sujet des hausses de la taxe scolaire, ainsi que les reproches que vous avez adressés aux commissions scolaires à ce sujet, suscitent chez-nous étonnement, amère déception et indignation bien légitimes.

Je vous soumettrai d’entrée de jeu que vos propos ont eu un effet passablement démotivant sur l’ensemble de notre personnel (particulièrement celui qu’on qualifie « d’administratif »).

Ces femmes et hommes qui se dévouent quotidiennement à la cause de l’éducation publique y ont perçu une sorte de désaveu qu’ils ne méritent vraiment pas. Ils cumulent plusieurs fonctions, sont « surchargés » et en sont rendus à se questionner sur la place qu’occupe l’éducation publique dans la liste des priorités de votre gouvernement. Et voilà qu’on les accuse d’être de mauvais gestionnaires.

Sachez que, tous autant que nous sommes autour de la table du conseil des commissaires de la Commission scolaire des Chênes, nous réalisons bien que les contribuables qui ont reçu leur compte de taxe et qui ont constaté la hausse qui leur est imposée, réagissent. En toute franchise, j’ose dire qu’ils n’ont pas tort, parce que, nous aussi, comme élus, avons vivement réagi… et continuons de le faire. 

Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons annoncé, en juin dernier, que cette hausse de taxe planait au-dessus de nos têtes… et vous en étiez bien informée. C’est même contre notre gré que nous avons fait ce choix, après avoir bien pesé tous les « pour », tous les « contre » et après avoir mis sur la table tous les scénarios envisageables. Sachez que nous aurions voulu qu’il en soit autrement.

Votre gouvernement a décidé de sabrer 200 millions de dollars dans les subventions de péréquation versées aux commissions scolaires. Chez-nous, cela représente 3,6 millions $ en moins ! Pour faire image, je vous dirais que même si on décidait de « raser » notre centre administratif au grand complet, nous n’arriverions pas à récupérer les 3,6 millions perdus en financement.

En fait, cela fait maintenant trois ans que nous subissons des compressions majeures dans le réseau de l’éducation. Uniquement pour notre commission scolaire, cela représente des ponctions de l’ordre de 3 millions $ et la suppression de 30 postes administratifs.

Aujourd’hui vous nous reprochez de ne pas avoir suffisamment réduit nos dépenses de nature administrative. J’ose vous rappeler que le gouvernement du Québec nous impose, depuis trois ans, une réduction de nos « dépenses administratives » de 10 %.

Des données provenant du Conseil exécutif du gouvernement du Québec (une source crédible s’il en est une), démontrent que la Commission scolaire des Chênes a réduit ces mêmes dépenses de 26,3 %, dépassant de loin la cible imposée par Québec. Elle figure au 4e rang des « bons élèves » à cet égard, comme le titrait La Presse, dans son édition du 17 septembre 2013.

En toute humilité, Madame Marois, nous considérons avoir fait nos devoirs !

Or, nous devons subir l’odieux de devoir taxer davantage les contribuables, pour boucler notre budget… ET NON POUR AUGMENTER NOS DÉPENSES… que cela soit bien clair !

Permettez-moi de rappeler ici à quoi sert la taxe scolaire. Elle permet de répondre aux besoins locaux et de s’assurer de l’équité des services sur l’ensemble du territoire que nous desservons. À l’instar de nos pairs, nous devons, par l’entremise des revenus de la taxe; financer du personnel, comme les directions, les secrétaires, les concierges des écoles et des centres, une partie du transport scolaire, l’informatique et l’entretien des immeubles. Ces dépenses, vous en conviendrez, sont incontournables.

Par ailleurs, j’ose espérer que vous vous dissociez des discours du deuxième groupe de l’opposition. Comme ancienne ministre de l’Éducation, nous nous attendons à ce que vous dénonciez la campagne de désinformation que mène la CAQ et qui laisse croire aux contribuables que les commissions scolaires nagent dans les surplus et qu’elles sont au-dessus de leurs affaires. 

Vous, mieux que quiconque, savez que les surplus des commissions scolaires comprennent les actifs, comme les terrains, les bâtiments, de même que des réserves pour le financement des programmes sociaux des employés (comme les retraites).

Une fois qu’on a fait abstraction de ces éléments, les surplus ont fondu comme neige au soleil. Pis encore, on nous empêche d’utiliser plus de 32 % du surplus qui nous reste pour faire face à nos obligations.  Ajoutons à cela que nous n’avons pas le droit de faire de déficit et que nous ne devons pas amputer les services aux élèves (loin de nous cette idée!)… et le portrait est complet.

À la fin de tout ça, je me désole de constater que l’éducation publique fait l’objet de la course au déficit zéro, que d’année en année, le gouvernement nous demande de nous serrer la ceinture et nous laisse le soin de refiler la facture aux contribuables. Croyez-moi, c’est là un choix peu enviable que les élus scolaires n’ont vraiment pas souhaité.

Malgré tout cela, nous nous efforçons à tout mettre en œuvre pour préserver ce que nous avons de plus précieux : les services offerts à nos élèves… et la réussite de ceux-ci.

En terminant, je vous assure de notre disponibilité dans l’éventualité où vous jugeriez opportun de nous rencontrer pour échanger avec nous sur le sujet. Cette invitation s’étend bien sûr à votre collègue ministre responsable de notre région, M. Yves-François Blanchet, qui, soit-il dit en passant, n’est pas avare de ses visites en nos murs et manifeste régulièrement son intérêt pour nos différents projets et défis, ce qui est fort apprécié de notre part.

Je vous prie de croire, Madame Marois, en mes sentiments les meilleurs.

Jeanne-Mance Paul, présidente

Commission scolaire des Chênes

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