Translate

lundi 9 avril 2012

Attaque frontale

Je profite de l'occasion pour vous présenter mon mentor. Prenez connaissance de ce qu'il écrit, même si ce n'était que de savourer son écriture dans la manière d'amener son argumentation.
Il faut dire que je ne suis pas toujours en accord avec ses propos. Dans ce cas-ci, avec le recul nécessaire, il me laisse songeur dans sa compréhension de ce dossier. Un petit côté anarchique de salon, genre. Anarchique pépère.
Au cour de notre existence, on a eu l'occasion de participer à l'élaboration de notre société. Hé bien, je trouve sécurisant de constater que nos jeunes peuvent faire autre chose que jouer au Nintendo ou faire du social avec Facebook et autres. De tenter de construire, de façonner «tranquilement» à leur image le monde où ils évolueront. Cela a certainement le mérite qu'on s'y attarde.
François Langlois

____________________________________________________________________________________


Pierre Foglia
La Presse




Je l'ai dit, j'y reviens, je suis pour la grève, pour la grève-en-soi, est-ce assez irresponsable? Je suis pour la leçon de philosophie politique, cette branche de la philosophie qui s'intéresse au contrat social, à la nature même du politique, en posant la question: qu'est-ce qui est socialement juste?
J'applaudis les petits-bourgeois qui contestent l'ordre bourgeois. Après tout, ils sont les mieux placés pour le faire. J'aime que le Téléjournal ouvre sur une foule de 100 000 jeunes qui marchent dans la rue. Yesssss! On n'est pas tout à fait mort tant que le cadavre bouge encore.

J'applaudirais même à un peu de désordre, un peu d'anarchie. Qu'on laisse donc entrer un peu d'air dans ce monde étouffé d'utilitarisme, abruti de divertissement!

L'éducation est essentiellement l'étude de la société dans laquelle auront à vivre les étudiants, et il va de soi que l'éducation légitime les règles de cette société. Mais de temps en temps, l'éducation est aussi l'arrachement à ces règles, à la famille, à la culture ambiante, et ça, ça peut se faire en deux endroits différents: soit dans la rue, soit dans les Lettres - notez la majuscule : Montaigne, Rousseau, ces gens-là. Mais dans la rue, c'est quand même plus aérobique.
Oui à la grève. Mais en même temps, je disais aussi que je me contrecrissais de l'augmentation des droits de scolarité, sous-entendu je ne crois pas que la hausse découragera d'aller à l'université les étudiants qui veulent vraiment y aller.

J'ai reçu une tonne de protestations. J'en ai fait une courtepointe, un condensé, j'ai fondu ces protestations en une lettre unique. Je ne la commenterai pas. La voici.

Monsieur Foglia,

Vous avez un peu raison pour les ingénieurs, les médecins, les avocats, les pharmaciens, les gestionnaires, cela les dérangera de passer de 18 000$ à 33 000$ de dettes, mais pas tant que ça.
C'est une autre affaire pour les étudiants en arts, en musique, en danse contemporaine, en littérature, en sciences sociales, en sémiologie, en arts visuels... Et c'est justement en cela que la hausse des droits de scolarité est totalement idéologique. Quand tu annonces que tu t'en vas en lettres, ton mononcle, et à travers lui toute la société, te dit: ça donne quoi, ça, la littérature? À 18 000$, c'est juste une question débile. À 33 000$, elle te fesse dans le ventre.

Monsieur le journaliste, vous pointez un enjeu beaucoup plus important, selon vous, que les gros sous: la culture générale, la transmission de valeurs civilisatrices.

Ce que vous ne comprenez pas, c'est que la hausse des droits de scolarité se fait précisément contre ces valeurs.

Cette hausse n'est pas un dommage collatéral, c'est une attaque frontale. C'est voulu. C'est pensé comme ça. Les valeurs civilisatrices - on disait les humanités, à votre époque -, le gouvernement s'en crisse, pour employer votre expression favorite. Pourquoi pensez-vous que la formation des maîtres est aussi nulle? Parce que ce n'est pas important. Vous êtes un vieux monsieur, vous avez encore en tête une école, un lieu de transmission de savoir. Désolé, on l'a démoli. C'est une cafétéria, aujourd'hui. En spécial, à midi, un cours sur les somnifères commandité par Jean Coutu.

Aucun commentaire: